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Peintures

A PROPOS

JC_atelier

L’âme inaperçue d’un paysagiste

Par Frédéric FERNEY
Je l’imagine entouré d’abeilles et de figues, fidèle à ses axiomes sous son chapeau de paille, infiniment
docile à la plus douce pente de sa durée.
Le paradis est un jardin.
L’enfance est un pré.
La peinture est un cercle.
Ce qu’on savait déjà, il le répète car tout est là depuis toujours, tout est vrai, tout recommence. Seul le
présent existe.
Que peint-il ? Est-ce du sable, du sel ou de la neige ? Et d’où vient ce bleu captif des nuages ? Mystère.
J’appelle mystère ce qui chasse les ombres – non pas ce qu’on ne comprend pas mais ce sans quoi on ne
comprendrait plus rien.
Que veut-il ? Je ne sais pas.
Que montre-t-il ? Rien. Sa quête est sereine et sans objet, sans illusion. C’est une force lente qui
s’émancipe des images et qui conspire contre l’esclandre et les secousses.
Un tao vacillant.
Un islam.
Une algèbre.
Probité de l’art quand il est abstrait
Sa peinture lui ressemble.
J’aime son lyrisme pur et dénué.
J’aime sa joie parce qu’elle est fragile, modeste, presque pâle, non pas donnée pour toujours mais conquise
à chaque instant.
J’aime sa pudeur qui est le pressentiment d’une dignité muette, inhérente aux choses.
Ce peintre du midi est un paysagiste de l’âme.
De la peinture, enfin !
Plus que la matière, Jean-Christophe me rend tangible la substance : ce qui demeure dans ce qui fuit,
dans ce qui coule, dans ce qui tombe. La permanence ? Oui, mais de quoi ?
C’est la couleur même qui détermine les contours des choses.
De l’ocre, du noir avec un coin de ciel qu’on entrevoit, comme si c’était l’aube.
Il fait blanchir sa palette qui d’instinct est sombre, grave, violente ; il s’efforce de réprimer l’emphase et
le cri; la couleur, ici, n’est jamais rature, douleur, négation. Il revient à d’autres de hurler, de brandir une vérité
nue, extrême, insoutenable. Là où d’autres s’emparent du visible pour le tordre, Jean-Christophe se contente
d’accueillir des formes exactes pour des choses qui n’ont pas de nom.
A rebours des ombres blanches et des présages, il ne met pas l’accent du mélodrame sur ce qui l’émeut.
La nature est un corps immense et oublié dont il est l’œil et les doigts. Ce sont eux qui rêvent. C’est pourquoi
chaque tableau désigne une absence.
On croit s’éloigner du réel parce que l’artiste embellit malgré lui ce qu’il touche, mais on ne cesse d’y revenir.
Au vrai, on ne le quitte pas, n’étant séparé de rien que la toile imite ou réitère.
Chaque tableau ne renvoie qu’à lui-même, en pure perte, comme si l’artiste dessinait une échelle de sons,
une gamme.
Il pince en douce les cordes d’une harpe.
Son sujet, c’est la peinture.
Son secret – je ne dis pas sa clef car il a jeté toutes les clefs mais vais-je, par sotte franchise, en galvauder
la confidence ? -, c’est qu’il est musicien.
Tout le reste est bleu, néant, céleste abîme. Cela aussi, il le peint sur la toile ou sur le papier et ça tinte comme
une cloche.